
Mali-Guinée-Burkina Faso: est-ce la fin de la tutelle française?
Depuis quelques mois, la situation évolue très vite en Afrique de l’Ouest. La présence des Djihadistes dans le Sahel, et d’une armada étrangère dans cette partie du continent qui a encore du mal à les vaincre, est mise à profit par les officiers des Etats membres de la CEDEAO pour ouvrir de nouvelles pages de leurs rapports avec la France. Ainsi, après le Mali et la Guinée, c’est à présent le tour du Burkina Faso de tomber sous la férule des hommes en kaki. Ces trois pays vont plus loin qu’un simple mécontentement à l’égard des dirigeants issus des élections et appuyés par Paris. Ils s’orientent maintenant vers de nouveaux partenaires. Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso qui, à leur accession à l’indépendance, prônaient le panafricanisme, donnent la nette impression de ne plus supporter cet éternel face à face avec l’ancienne puissance coloniale qui s’est implantée sur les côtes de l’Afrique de l’Ouest depuis 1787, pour s’enraciner au xixe siècle. Ils veulent se tourner vers d’autres puissances militaires et économiques comme la Russie, la Chine, l’Inde, la Turquie, etc. Ces jeunes colonels connaissent bien les méandres de la politique française en Afrique pour avoir été formés dans les écoles militaires de l’Hexagone. Marié à une gendarme française, le colonel Mamady Doumbouya a même servi dans la Légion étrangère en Afghanistan et au Gabon. Le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo qui vient de prendre le pouvoir à Ouagadougou, est également issu d’une école militaire française, sans oublier, évidemment, le colonel Assimi Goïta du Mali. Ce mouvement risque de s’étendre dans toute l’Afrique de l’Ouest et sonner ainsi la fin de l’existence de la CEDEAO et de l’UEMOA, deux institutions fonctionnant sous la tutelle de Paris. Les observateurs pensent que la France de Macron a commis l’erreur d’avoir poussé les chefs d’Etat à sanctionner sévèrement la junte malienne simplement parce qu’elle refuse de voir le groupe russe Wagner s’implanter à Bamako. Cette façon d’agir pourrait ne pas porter bonheur à des chefs d’Etat qui ne répondent pas aux préoccupations existentielles de leurs populations. Ils pourraient donc perdre l’un après l’autre le pouvoir à cause de leur alignement à la politique des dirigeants français accusés de perpétrer le néocolonialisme. Tel est, notamment, le cas de la guerre que la France mène en Afrique contre le terrorisme et sur laquelle la rédaction de l’agence Nofi apporte un grand éclairage. En effet, pour cette rédaction, « la présence militaire française constitue, depuis les indépendances, un des piliers du néocolonialisme. La présence militaire de la France en Afrique, imposée comme gage de sécurité et de stabilité, est observée depuis plus de 50 ans. Cette «spécificité française» est l’un des aspects de la politique mise en place lors de l’indépendance de l’Afrique en 1960 », explique cette agence. Et d’ajouter que « L’objectif était de préserver les intérêts économiques de l’ancienne métropole (pétrole, uranium, bois, etc.) et de maintenir les pays africains dans son sphère d’influence ». La rédaction de cette agence précise « qu’après avoir tenté de légitimer le maintien de sa loi martiale en Afrique par une «nouvelle doctrine» à la fin des années 1990, la France utilise aujourd’hui le prétexte de «la guerre contre le terrorisme».Voici d’autres éléments qui en disent long sur cette guerre française: « L’opération Serval, lancée au Mali en janvier 2013, visait officiellement à empêcher les forces armées salafistes de s’emparer de la capitale Bamako. Il a été confirmé que l’opération était en réalité préparée pour résoudre les problèmes entre les services secrets français et le mouvement national pour la libération de l’Azawad -MNLA-, alors qu’aucun problème de territoire ou de sécurité n’était réglé dans le nord du Mali. Un autre cas d’intervention militaire est la création de l’opération Barkhane: 3 500 personnes ont été mobilisées dans la zone sahélo-saharienne. Cette recolonisation militaire est officiellement approuvée par la loi de planification militaire pour les années 2014-2019. L’accent étant mis sur les relations franco-africaines, ce qui confirme les objectifs néocoloniaux de la politique étrangère française, notamment en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne. Cette politique due à l’inaction de certains alliés, encourage les déviations par rapport aux mesures de sécurité d’autres pays, se cache derrière la lutte contre le terrorisme et ne résout aucun problème politique et social permettant aux groupes armés de prospérer». Est-ce donc le refus de ce qui est considéré, ici et là, comme la politique néocoloniale, qui pousse les hommes en kaki à se débarrasser des chefs d’Etat alliés de Paris? On verra plus clair dans les semaines et les mois qui suivent. En attendant, il y a lieu d’affirmer que les Occidentaux et leurs multiples centres de recherches sur l’Afrique, n’ont pas pris au sérieux l’évolution de la conscience africaine. Ils croyaient toujours effacer de la mémoire collective les noms de Kwamé Nkrumah, de Modibo Keita et de Sékou Touré. Malgré les difficultés ces dirigeants ont connues, les analystes politiques reconnaissent qu’ils ont néanmoins laissé un important héritage qui continue de servir de référence jusqu’aujourd’hui: le panafricanisme, devenu une exigence majeure pour mieux faire face aux risques de la balkanisation de l’Afrique.
Yamaina Mandala